Source : France Antilles du Mercredi 2 décembre 2015
Refusée pour les invasions de sargasses, acceptée pour les inondations du 6 novembre : où et comment se négocie la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ? Voici quelques éclairages avec François de Kerever, directeur de cabinet du préfet.
Comment s’est déroulée la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle suite aux événements du 6 novembre ?
Ce sont les communes qui demandent la constatation de l’état de catastrophe naturelle. Nous, l’État, centralisons les demandes et joignons les rapports techniques: Météo-France (sur les quantités de pluie), de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (sur le niveau des crues), et du BRGM (sur les mouvements de terrains).
Les dossiers sont ensuite transmis à la commission interministérielle qui statue (voir encadré, NDLR).
Sur les derniers événements, il faut reconnaître que cela a été rapide : les intempéries ont eu lieu le 6 et la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, le 18. 14 communes ont fait la demande, 12 sont aujourd’hui déclarées en état de catastrophe naturelle.
Les dossiers du Gros-Morne et du Diamant n’ont pas été rejetés, mais ajournés. Ils nécessitent une expertise complémentaire et passeront lors une prochaine commission.
Cette fois-ci, le Fonds de secours pour l’Outremer (FSOM) a aussi été mobilisé.Comment cela se passe-t-il ?
Le FSOM peut être mobilisé dans deux cas de figures : l’extrême urgence et en postcrise. Il permet d’acheter de la nourriture ou ce qui est nécessaire à la vie courante : des matelas, par exemple.
Il est aussi possible d’équiper les communes dans l’achat de petit matériel ce qui permet aux services municipaux de monter en capacité s’il y a des manques.
Le FSOM a été activé dès le 9 novembre à hauteur de 200 000 euros.
C’est au préfet de le faire savoir. En retour, les maires donnent le nombre de sinistrés dans leur commune auxquels il manque des produits de première nécessité.
Dans un deuxième temps, le préfet peut demander le maintien du FSOM dans une version post-crise. C’est dans ce cadre-là que nous sommes aujourd’hui. Cette demande
doit être faite dans un délai de trois mois après la catastrophe.
Le FSOM visera les particuliers sous conditions de ressources, généralement ceux qui sont bénéficiaires des minima sociaux, qui sont non imposables ou bien qui ont des personnes à charge en nombre.
Est-il donc surtout à destination des personnes non assurées ?
Plutôt, oui. On peut mobiliser ce fonds pour les biens mobiliers, mais pas les travaux de toiture par exemple.
Chaque particulier doit faire son dossier, justifier qu’il était propriétaire de tel ou tel objet qu’il a perdu dans la catastrophe.
Le préfet centralise les demandes.
Revenons à la commission interministérielle. Quels sont les critères sur lesquels se base la commission ? Il ne semble pas très précis…
L’idée est d’avoir quelques principes qui permettent d’avoir la réponse la plus souple possible et de juger ou non de la possibilité de prétendre à une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Si l’on avait une liste de critères trop détaillée, ce ne serait
pas profitable aux administrés.
Y a-t-il des critères spécifiques aux Outre-mer qui sont pris en compte ?
Le BRGM, Météo France ou la Deal prennent bien en compte les aspects spécifiques du terrain, même dans l’Hexagone.
Dans le document Cerfa rempli par le maire, il y a un ensemble de cases à cocher et quelques questions, concernant entre autres les mesures de prévention prises.
Par exemple, le maire peut expliquer que des travaux d’élagage au bord des rivières avaient été entrepris pour éviter les effets de barrages, etc.
Mais ces critères ne sont pas toujours explicites. Le refus de l’état de catastrophe naturelle relatif aux épisodes sargasses a été vaguement annoncé mais n’a pas fait l’objet d’un rapport ou d’une
note.
Les invasions de sargasses ne peuvent plus être considérées comme un événement ponctuel. C’est permanent. Par ailleurs, c’est un événement évitable puisque l’on peut ramasser les algues avant qu’elles posent problème.
Enfin, les soucis qu’elles posent sont parfois réversibles comme la dégradation des bijoux par exemple. En ce qui concerne l’électroménager, ce n’est pas le cas, certes. Les inondations du 6 novembre, elles, étaient ponctuelles, et l’événement météo est allé au-delà de ce que l’on pouvait attendre habituellement.
Toutefois, l’on pourrait soulever le fait que, pour certaines rues, l’événement inondations est récurrent (donc plus vraiment ponctuel) et aussi que les pouvoirs publics et les habitants ont pour
devoir de faire en sorte que ces inondations soient évitables.
Idéalement, si l’on pouvait adapter les habitats soumis aux risques sur un claquement de doigts, nous serions d’accord. Mais ce n’est pas simple.
En fait, nous ne sommes pas directifs, sauf extrême urgence et danger immédiat. On ne va pas expulser des gens, raser, reconstruire.
Pourtant, dans les plans de préventions des risques (PPR), des prescriptions sont données.
Certes, mais nous somme dans une logique d’aménagement et d’information afin de nous adapter aux risques. C’est par exemple le but des Documents d’information communal sur les risques
majeurs (Dicrim) : Il faut que, lorsque les gens s’installent dans une commune, qu’ils puissent le faire en connaissance de cause. Le Dicrim est vraiment le premier niveau d’information. La commune doit en faire la publicité.
Les PPR ont aussi pour objectif d’avoir une meilleure prise en compte du risque. Mais, à côté de cela, tout n’est pas prévisible.
Propos recueillis par C.Everard